dodis.ch/12045
Notice du Chef du Département politique, M. Petitpierre1

ENTRETIEN AVEC M. DIMECHKIÉ, MINISTRE DU LIBAN, LE LUNDI 21 JANVIER 1957, À 11 H. 15

J’ai prié M. Dimechkié de venir me voir pour faire avec lui un tour d’horizon du genre de celui que nous avions fait le 11 décembre 19562.

Le Ministre du Liban est toujours convaincu que les pays arabes ont le désir de maintenir leurs relations avec le monde occidental. Toutefois la France et la Grande-Bretagne3 sont hors de jeu pour un certain temps et n’ont plus aucune possibilité d’action dans le Proche-Orient. On se méfie des Etats-Unis comme de l’URSS.M. Dimechkié est lié avec l’Attaché militaire égyptien à Berne4, qui est lui-même un ami du Colonel Nasser. L’Attaché militaire partage les vues de M. Dimechkié et pense comme lui que des pays européens qui sont restés en dehors du conflit de Suez pourraient jouer un rôle utile. Ce serait en particulier le cas de la Suisse. Ces pays (M. Dimechkié a en particulier en vue les pays scandinaves) pourraient essayer d’intensifier les relations avec les pays arabes sur le plan économique et culturel. Si les liens avec le monde occidental pouvaient se maintenir, il est vraisemblable que dans quelques années la France et la Grande-Bretagne pourraient aussi en bénéficier et rétablir des relations normales avec les pays du Proche-Orient, sur des bases et dans des conditions différentes de celles du passé.

M. Dimechkié me demande s’il ne serait pas possible de faire des sondages auprès des Gouvernements des pays européens susceptibles de s’intéresser à une action comme celle qu’il envisage. En dehors des pays scandinaves, il pense encore à l’Italie et à la République fédérale d’Allemagne. Il s’est entretenu avec M. Holzapfel, Ministre d’Allemagne, qui s’est montré enthousiasmé de ses idées. Quant à l’Italie, elle est en général bien vue dans le Proche-Orient et des possibilités d’action lui seraient ouvertes. M. Dimechkié doit voir demain l’Ambassadeur d’Italie, qui lui a demandé un rendez-vous. Je l’engage à lui faire part de ses vues.

M. Dimechkié pense qu’il serait utile que le Président de la République libanaise puisse venir en visite en Suisse, ce qui me permettrait de m’entretenir avec lui du problème des relations entre l’Europe et le Proche-Orient.

Je réponds à M. Dimechkié que la Suisse doit observer une attitude très réservée à l’égard des problèmes dont nous nous entretenons, que nos conversations sur ces problèmes ont un caractère tout à fait informel et inofficiel et n’engagent personne, mais que je suis prêt à chercher à me renseigner sur l’intérêt que d’autres Gouvernements seraient susceptibles de porter à l’action envisagée. Si M. Chamoun, Président du Liban, exprimait le désir de venir en Suisse, le Conseil fédéral le recevrait avec plaisir.

Le Ministre du Liban suggère encore que nos chefs de mission dans les pays arabes aient des contacts plus suivis avec les membres des Gouvernements de ces pays. Des conversations avec ces derniers pourraient être utiles et contribuer au resserrement des liens entre le Proche-Orient et le monde occidental.

M. Dimechkié téléphonera à M. Chamoun et verra aussi avec l’Attaché militaire égyptien dans quelle mesure ses idées sont réalisables. Il est convaincu que le Colonel Nasser les partage et qu’il a lui aussi le désir de se rapprocher de l’Occident européen.

Au début et à la fin de notre entretien, M. Dimechkié a attiré mon attention sur le temps que demande l’obtention des visas sollicités par des Libanais et des Syriens qui désirent venir en Suisse. Il arrive que plusieurs semaines s’écoulent entre une demande de visa et le moment où celui-ci est délivré. Les visas sont en revanche accordés immédiatement aux Suisses qui désirent se rendre au Liban ou en Syrie. M. Dimechkié me cite le cas d’un cousin qui a dû attendre deux ou trois semaines un visa qui devait lui permettre de faire un séjour chez lui.

Les pays arabes désirent que leurs étudiants inscrits à des universités françaises fassent dorénavant leurs études en Belgique ou en Suisse. La préférence est donnée à la Suisse. Là aussi, selon lui, les autorités fédérales pourraient se montrer plus compréhensives.

1
E 2800(-)1990/106/21.
2
Sur cet entretien, cf. E 2800(-)1990/106/2.
3
Sur le rétablissement des relations entre l’Egypte et la Grande-Bretagne, cf. la notice de M. Petitpierre du 22 mai 1957, E 2800(-)1990/106/20 (dodis.ch/13220).
4
W. E. G. Ramaday.