dodis.ch/18941
Le Chargé d’affaires a. i. de Suisse à Colombo, Th. Curchod, au Délégué à la coopération technique, A. R. Lindt1

Aide suisse pour la création d’une école hôtelière à Ceylan

Je vous ai fait parvenir en son temps copie d’une note datée du 22 août 19632 résumant mes entretiens avec le Ministère des Finances au sujet de la création d’une école hôtelière à Colombo.

J’ai l’honneur de vous faire savoir que selon les vues du Gouvernement ceylanais le projet en cause se réalisera dans le courant de l’an prochain. Comme vous le savez, il s’agit d’une création envisagée depuis fort longtemps. Retardée à plusieurs reprises, elle ne prit réellement corps qu’en 1961, lorsque le Chef du Gouvernement, Mme Sirimavo Bandaranaike, décida de s’occuper directement de la promotion du tourisme à Ceylan. Actuellement, selon les renseignements des milieux compétents, les locaux destinés à la nouvelle école hôtelière seraient disponibles dès le mois de décembre prochain; il est également prévu que les cours débuteraient en juin 1964. A cet effet, Ceylan demande l’appui de la Suisse pour l’octroi de deux experts:

1 Directeur d’hôtel, et 1 Maître d’hôtel, selon les qualifications et le cahier des charges énumérés sur la note ci-jointe3, envoyée à la Légation le 10 octobre par la Division économique du Ministère des Finances. Durée de l’emploi: 5 ans. Nomination: 31 janvier 1964.

L’initiative ceylanaise répond à un besoin essentiel. Le tourisme mérite en effet une attention particulière et il ne fait aucun doute que les membres de l’actuel Gouvernement désirent fermement développer et moderniser cette industrie qui bénéficie de conditions naturelles de premier ordre. Malheureusement, la réalisation se heurte à un obstacle majeur, celui du manque de compétences. C’est pour le franchir que les Autorités font appel à la Suisse dont elles connaissent tout le renom en matière touristique. D’ailleurs, dans leur note du 10 octobre, une mention particulière est faite à ce sujet.

L’examen de la requête ceylanaise m’incite à vous faire part des commentaires suivants:

1. Comme vous le savez, la question d’une aide suisse à Ceylan dans le domaine du tourisme a été prévue depuis plusieurs années. C’était l’un des sujets favoris du premier Chargé d’affaires a. i. de notre Légation, M. Hans Keller, qui considérait non sans raison les avantages que pourrait retirer Ceylan d’un équipement hôtelier répondant aux nécessités actuelles4.

2. Une timide initiative est intervenue de notre part l’an dernier par l’octroi d’une bourse de deux mois à une personne appartenant à la bonne société ceylanaise5. Malheureusement, ce geste fut sans lendemain, car la boursière, au bénéfice de faveurs particulières, ne joue qu’un rôle très limité et sans influence dans le développement du tourisme à Ceylan. près l’octroi de cette bourse, l’enthousiasme d’antan cédait subitement la place à un net désintéressement; une note rédigée l’an dernier par l’ancien délégué à la Coopération technique relève en effet que la politique suivie par Ceylan ne répondant plus à celle que l’on attendait, il était indiqué de laisser dorénavant en sommeil les demandes formulées par ce pays6. En son temps, je m’étais permis de m’élever contre cette manière de juger la situation7, qui me paraissait d’autant plus heurter la logique que la politique de Ceylan n’a guère varié depuis 1956 et que c’est précisément lorsque un pays a tendance à adopter une ligne de conduite considérée à nos yeux comme dangereuse qu’il s’agit de lui témoigner de l’intérêt. C’est le principe suivi ici par les nations occidentales; j’ai donc été heureux de constater par la suite que vous partagiez le même point de vue.

La promotion du tourisme à Ceylan a toujours été considérée, dans l’esprit des dirigeants locaux, comme une action réservée à la Suisse. Des assurances auraient même été données dans ce sens à M. Senaratne, directeur du Tourisme, lors de sa visite à Berne en 19628. J’ai du reste mentionné ce fait dans une correspondance antérieure9. Dès lors, si nous désirons également participer à l’aide technique octroyée à Ceylan, nous ne saurions mieux le faire qu’en tentant une expérience dans ce champs d’activité qui semble nous revenir.

3. Cependant, au cours des nombreuses discussions avec les Autorités compétentes, je me suis continuellement tenu sur la réserve, tout en soulignant néanmoins ma volonté d’appuyer une demande fondée, pour autant naturellement que la Suisse puisse trouver les experts disposés à venir à Ceylan. Nos partenaires sont ainsi parfaitement renseignés à ce sujet. Il n’empêche que selon les propos de M. Seneratne, tout paraîtrait facile; pour lui, les difficultés seraient aplanies vu le désir que l’on aurait en Suisse de lui venir en aide. Dans ma réponse de ce jour au Ministère des Finances, selon copie de la note cijointe10, je confirme les difficultés que nous devrons surmonter pour réserver un accueil favorable à la requête ceylanaise. J’ajoute qu’il est exclu de déléguer à Colombo des experts pour une durée de 5 ans et je souligne à dessein le vide laissé par le décès de M. le Professeur Krapf avec lequel M. Senaratne avait eu de longs entretiens.

En conclusion, le moment est arrivé de prendre une décision à propos d’une aide dont on parle depuis si longtemps. Je ne puis, quant à moi, que vous recommander d’étudier la demande ceylanaise avec votre soin habituel et d’y répondre favorablement si vous en voyez la possibilité. Je me permets à cet égard d’appeler votre attention sur le désagrément que pourrait comporter une réponse négative. Tout le monde ici, et le Chef du Gouvernement en premier lieu, semble persuadé que la Suisse fera le geste que l’on attend d’elle. Un refus équivaudrait à un désintéressement. Cela me placerait dans une position inconfortable au moment où je me trouve engagé dans des démarches visant à harmoniser nos échanges commerciaux et à rompre l’interdiction frappant nos exportations11. Bien que l’assistance technique et les relations économiques soient deux domaines séparés, il ne fait aucun doute que nos cartes seraient renforcées si une action de notre part dans le tourisme ceylanais était décidée. D’ailleurs, la requête émane du Ministère des Finances, également compétent pour trancher le problème de nos échanges bilatéraux. Ce sont là, j’en suis certain, une série d’arpents que vous partagez entièrement. Aussi, êtes-vous sûrement disposé à faire votre possible pour répondre affirmativement à la demande de Ceylan. Mais comme celle-ci pourrait rencontrer de trop sérieux obstacles – trouver actuellement deux experts bateliers s’avère probablement une entreprise malaisée –, puis-je vous suggérer, en contrepartie, d’offrir 3 ou 4 bourses d’étude sur le tourisme, mais non cette fois en faveur de personnes recommandées ou nommées à l’avance, mais choisies par les Autorités locales et agréées ensuite par vous-même et la Légation. Ce serait à mon sens une méthode adéquate pour contourner la difficulté. Mais il faudrait si possible qu’elle fût renforcée par l’envoi d’un expert pour une durée de quelques mois12.

1
Lettre: E 2003-03(-)1976/44/162. Paraphe: CD.
2
Cf. la notice Besprechungen mit der Economic Division betreffend schweiz. Experten für die geplante Hotelfachschule in Colombo du 22 août 1963, non reproduite.
3
Non reproduite.
4
Cf. notamment la lettre de H. Keller à R. Kohli du 25 février 1958 (dodis.ch/11633).
5
Sur les demandes de bourse ayant trait au tourisme, cf. la Notice concernant le tourisme de Th. Curchod du 5 août 1961, non reproduite. Sur l’unique demande acceptée, cf. la lettre de Keller à Curchod du 9 avril 1962 et la lettre de Keller à Curchod du 9 juillet 1962, non reproduites.
6
Cf. la notice confidentielle de Keller du 2 août 1962 (dodis.ch/18936).
7
Cf. la lettre de Curchod à Keller du 14 septembre 1961 (dodis.ch/18937).
8
Sur cette visite, qui a lieu en avril 1962, cf. la notice de Keller du 10 avril 1962 et la notice de Curchod à la Division des Affaires politiques du Département politique du 7 mai 1962, non reproduites.
9
Cf. la lettre de Curchod à A. R. Lindt du 30 mai 1962, non reproduite.
10
Cf. note 2.
11
A ce sujet, cf. la lettre de Curchod à E. Stopper du 6 décembre 1963 (dodis.ch/18946).
12
Dans sa réponse, A. R. Lindt approuve l’idée d’envoyer une équipe de deux experts qui, en leur qualité de techniciens, commenceraient par engager un dialogue avec leurs congénères ceylanais. Cf. la lettre de Lindt à Curchod du 4 décembre 1963, non reproduite.