La position de la Suisse4 vous est assez connue pour que je puisse me contenter d’en rappeler les lignes essentielles et d’indiquer comment elle s’inscrit dans les perspectives d’avenir de notre Association.
Lorsqu’en 1961 et 1962 les Etats membres de l’AELE avaient décidé de négocier séparément mais de concert avec la CEE, la Suisse avait participé à ce mouvement5. En effet, s’il avait réussi le résultat aurait été une communauté européenne large qui par la force des choses aurait acquis des caractéristiques politiques différentes de celles de la Communauté des Six.
Notre position est claire6. Notre intérêt économique national est conforme à celui de l’ensemble de l’Europe qui commande l’élimination de la division économique. La politique de neutralité que la Suisse poursuit afin de maintenir son indépendance retient cependant notre pays de chercher un accord étroit avec la CEE aussi longtemps qu’une solution d’ensemble n’est pas en vue. Même si la CEE semble pour le moment avoir mis en veilleuse sa vocation supranationale, elle n’en a pas moins gardé un profil politique accentué. Et les luttes d’influence auxquelles les grands pays se livrent dans l’arène étroite des Six7 en font un terrain perilleux pour un petit pays qui, comme la Suisse, entend préserver son indépendance.
Pour ces raisons – et j’aimerais le répéter ici avec toute la clarté voulue – la Suisse reste de l’opinion que, dans les circonstances actuelles, ses réserves touchant à la politique de neutralité pourraient être mieux prises en considération dans le cas d’un élargissement général de la Communauté s’étendant à la GrandeBretagne8 et aux autres pays9 de l’AELE que dans le cadre des Six. Il lui serait aussi plus aisé de nouer des liens institutionnels avec un groupement élargi et mieux équilibré sur le plan politique.
Et d’ailleurs, il est frappant de constater que chaque pays membre de l’AELE se heurterait à des problèmes très sérieux, politiques ou économiques, s’il devait, seul, trouver un accord avec la Communauté des Six. En revanche, chacun de ces problèmes nationaux se trouverait résolu ou en tout cas bien atténué dans l’hypothèse où les pays de l’AELE chercheraient, non plus séparément et chacun pour soi, mais tous ensemble, un arrangement avec la CEE.
Sur le plan intérieur, l’AELE10 doit acquérir plus de poids et ceci d’abord par des échanges commerciaux accrus dans toute la mesure des possibilités. Il appartient donc aux gouvernements de les rassurer et de les encourager sur la longévité de notre Association11. Il appartient aux gouvernements de leur faire comprendre que les efforts qu’ils déploient pour tirer tous les bénéfices de notre zone de libre-échange ne seront, en tout état de cause, pas perdus parce que nous sommes fermement résolus à la maintenir jusqu’au moment où elle se fondra dans un plus grand ensemble européen.
En retirant ainsi tous les avantages offerts par l’AELE, en lui donnant donc plus de poids, nous renforcerons sa stature sur la scène européenne et par là l’intérêt que la CEE pourrait lui trouver un jour. La délégation suisse continue de penser que le chemin d’un arrangement avec la CEE passe par le développement et l’intensification des échanges au sein de l’AELE et par la confiance dans sa valeur et son utilité.
Enfin, notre souci de trouver un accord avec la CEE ne doit pas nous faire négliger les signes de détente qui se manifestent du côté de l’Europe de l’Est12. Notre Association pourrait apporter à cet égard une contribution intéressante puisqu’elle n’est pas engagée politiquement et qu’elle se veut ouverte à l’extérieur. Nous aurions intérêt à vouer plus d’attention à ce problème dans les mois et les années qui viennent.