dodis.ch/32245
L’Ambassadeur de Suisse à Tel Aviv, J. de Stoutz, au Chef de la Division des affaires politiques du Département politique, P. Micheli1

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre lettre du 20 décembre2 et les copies3 de celles de la Division fédérale de la Justice qui y étaient annexées et qui concernent le problème des avoirs en Suisse d’étrangers ou d’apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques. J’apprécie beaucoup le soin que vous avez mis à répondre aux questions que je vous avais posées antérieurement à ce sujet.

La lettre du 29 juillet4 de la Division fédérale de la Justice ne fournit pas d’explications très convaincantes ni tout à fait satisfaisantes en ce sens qu’elle se borne, grosso modo, à relever que le Bureau chargé de traiter les demandes tendant à la restitution de biens en déshérence, n’est pas compétent pour se prononcer sur le cas de ceux déposés sous le couvert d’une raison sociale et que les dépositaires ne sont pas, en vertu de l’AF du 20. 12. 625, tenus de déclarer. Pour tout dire, il m’était apparu depuis assez longtemps et assez clairement que le Bureau en question n’ayant été constitué que pour être l’instrument d’application de l’AF de 1962 qui n’oblige nulle part les dépositaires à annoncer les biens appartenant, fictivement ou non, à une personne morale, ce même Bureau était évidemment incompétent pour traiter du cas de ces biens. A ce propos il est permis de se demander si l’AF ne comporte pas là une lacune.

Le contenu de la lettre du 13 décembre6 de la Division fédérale de la Justice est indubitablement plus satisfaisant. Il est heureux que les demandes des ayants droit concernant des biens en déshérence que les dépositaires ne sont pas tenus d’annoncer au Bureau ad hoc, échappent à la prescription de l’article 127 CO et ne peuvent, dans la règle, être prescrits aussi longtemps que le mandat n’a pas été dénoncé et les biens réclamés. Le fait que cette prescription ne peut intervenir est bien dans le sens du Message du Conseil fédéral du 4 mai 19627 relevant que la Suisse «ne doit pas être, ne serait-ce que soupçonnée de vouloir s’enrichir des avoirs ayant appartenu aux victimes d’événements... etc».

Il reste à souhaiter que le maximum soit fait par les autorités suisses, et bien entendu par les dépositaires de biens en déshérence, afin de ne pas décourager, mais bien au contraire de faciliter les efforts des ayants droit présumés visant à entrer en possession de biens dont ils seraient les héritiers mais qui auraient été déposés en Suisse sous le couvert d’une raison sociale. Il me semble que ce n’est qu’ainsi que nous pourrons éviter, ou en tout cas résolument écarter, des reproches qui pourraient nous être faits et dont le Conseil fédéral avait envisagé la possibilité dans son Message du 4. 5. 62.

Je vous saurais gré de bien vouloir continuer à me tenir au courant et je vous en remercie par avance.

1
Lettre: E2001E#1978/84#955* (B.42.13).
2
Lettre de E. Diez à J. de Stoutz du 20 décembre 1966, E2200.170#1980/92#61* (223.1).
3
Cf. les lettres du Service des avoirs d’étrangers disparus du Département de justice et police au Service juridique du Département politique du 29 juillet 1966 et du 13 décembre 1966, ibid.
4
Cf. note 3.
5
Arrêté fédéral sur les avoirs en Suisse d’étrangers ou d’apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques du 20 décembre 1962, RO, 1963, pp. 423–432. Cf. aussi DDS, vol. 22, doc. 147, dodis.ch/30752; DDS, vol. 23, doc. 179, dodis.ch/31451, en particulier note 21 et DDS, vol. 24, doc. 151, dodis.ch/32250.
6
Cf. note 3.
7
Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale à l’appui d’un projet d’arrêté fédéral sur les avoirs en Suisse d’étrangers ou d’apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques du 4 mai 1962, FF, 1962, I, pp. 969–984.