dodis.ch/39647
Rapport de fin de mission de l’Ambassadeur de Suisse à Tokyo, G. E. Bucher1

1. Rapports Japon-Suisse

Les rapports sont à tous points de vue excellents. La Suisse figure toujours parmi les trois premiers pays dans les différents sondages d’opinion publique qui posent la question «quel pays étranger aimez-vous le mieux». Souvent elle est même en tête des préférences.

Un grand problème qui a préoccupé dernièrement les deux côtés était l’établissement du Crédit Suisse au Japon et de la Daiichi Kangyo Bank (la plus grande banque non-américaine du monde) en Suisse2. Il est presque certain qu’il sera résolu encore avant la fin de l’année courante et que mon successeur3 pourra bientôt inaugurer le Crédit Suisse à Tokyo comme j’avais moi-même inauguré la Société de Banque Suisse et l’Union de Banques Suisses4.

Du côté suisse, nous avons quelques doléances:

a) Exportation de souliers vers le Japon5. Ce problème ne pourra pas trouver une solution qui puisse nous satisfaire entièrement et cela pour des raisons de politique intérieure japonaise. Le quota pour la Suisse a toutefois été augmenté régulièrement et substantiellement et nous devons, à mon avis, nous contenter de ce succès, tout en insistant de temps à autre afin d’obtenir de nouvelles augmentations.

b) Après une lutte qui a duré de longues années, il semble certain maintenant que les autorités japonaises admettent l’importation de la viande séchée suisse et de notre bétail6.

c) Le problème de l’augmentation des droits de douane pour les souliers de ski de toute provenance semble être sérieux pour la Suisse7. Il doit toutefois être réglé d’une manière multilatérale au sein du GATT.

d) La possibilité d’obtenir des visas à entrées multiples pour les résidents étrangers au Japon s’est améliorée tout en ne donnant pas entièrement satisfaction. Il sera pourtant difficile d’obtenir pour nos compatriotes des conditions meilleures que celles qui sont faites aux ressortissants d’autre pays.

e) L’abus du nom et du drapeau de la Suisse, surtout de la part de restaurants, a fait l’objet de très nombreuses démarches déjà8. Dernièrement, nous n’avons plus rien entrepris. Je crois que, depuis des années, nous sommes allés trop loin dans nos prétentions; il aurait fallu se concentrer sur l’abus du drapeau suisse car des expressions comme «Chalet Suisse» (avec un vrai Suisse comme cuisinier) ou «Hôtel Suisse» sont absolument courantes en Europe aussi. Il faudra étudier la possibilité de reprendre la question de l’abus du drapeau.

Les autorités de Tokyo de leur côté nous reprochent souvent d’être trop sévères pour l’octroi de permis de travail aux Japonais en Suisse9. Il faut surtout tenir compte du fait que seuls ou à deux seulement les Japonais qui ont l’habitude de prendre des décisions collectives se sentent isolés et même perdus lorsqu’ils n’ont pas auprès d’eux d’autres compatriotes à consulter. L’Ambassade doit veiller à informer soigneusement les autorités suisses de l’importance que chaque demande pourrait avoir pour nos relations bilatérales (des fautes avaient été commises à cet égard).

Quant aux échanges entre les deux pays, ils continuent à se développer d’une manière très favorable10. La balance commerciale est à nouveau nettement en notre faveur.

2. Rapports Ambassade-Colonie suisse

Les rapports entre l’Ambassade et la colonie sont très bons, qu’il s’agisse d’entreprises suisses ou de particuliers11. Il y a seulement une certaine réticence de la part de Nestlé (avec Roche la plus grande industrie suisse au Japon). La Nestlé avait rompu les rapports avec mon prédécesseur12, car elle avait été mise à contribution pour différentes collectes que l’Ambassade avait appuyées directement ou indirectement (exemples: Fête du 1er août, publicité dans la presse locale pour que l’Ambassade puisse y placer des articles). Les rapports sont actuellement assez bons mais le nouveau Président13 de Nestlé, un Danois, ne veut pas que nous considérions son entreprise comme une maison suisse. Lui-même tient à l’appeler multinationale. Afin de garder de bons rapports, il sera essentiel de tenir compte de ce point de vue qui ne correspond pas nécessairement à celui de Vevey.

Il n’y a pas de cercle suisse au Japon. En revanche, outre une organisation de bienfaisance qui n’est pratiquement jamais utilisée nous avons:

a) La Swiss-Japan Society14 dont l’ambassadeur est d’office le Président d’honneur. Le Président est le Prince Takeda, cousin de l’Empereur15, avec lequel le soussigné est lié d’amitié. M. Takeda est le Président du Comité olympique japonais et le membre japonais du Comité olympique international (Lausanne). Il est essentiel que mon successeur lui rende visite rapidement après son arrivée.

La Swiss-Japan Society n’est pas très active. À part un bal annuel purement social qui est toujours une grande réussite et où l’ambassadeur est censé offrir les vins (blancs et rouges) et le champagne, elle n’organise des réunions qu’à titre exceptionnel, par exemple au retour de l’équipe suisse de Jeux Olympiques d’hiver de Sapporo16, à l’occasion du passage de l’Orchestrede la Suisse Romande ou à l’arrivée d’un nouvel ambassadeur.

La Swiss-Japan Society a une branche à Sapporo composée uniquement de Japonais. L’Ambassade tache de l’appuyer dans la mesure du possible.

b) Le Swiss Businessmen Luncheon17. À tour de rôle, la SBS et l’UBS, en assurent la présidence pour une année. On se réunit d’habitude une fois par mois (sauf en été) pour un déjeuner. Une personnalité, souvent un Suisse de passage, tient une conférence et répond à des questions.

Cette organisation n’est pas entièrement satisfaisante en ce sens que les compatriotes ne travaillant pas pour une entreprise suisse ne sont pas censés participer aux déjeuners et se sentent discriminés. Cette question a déjà été soulevée à plusieurs reprises, toujours sans succès. Elle devrait être rediscutée à l’occasion.

c) Un groupe d’amis japonais de la Suisse s’est formé en avril passé sur l’initiative de M. Shigeo Horie, personnalité en vue dans les milieux économiques japonais et internationaux et très ami avec le soussigné18. J’ai été nommé Président d’honneur. Rien ne s’est passé depuis. M. Jaccaud tiendra mon successeur au courant. Il sera nécessaire que celui-ci fasse une visite de courtoisie à M. Horie qui parle couramment l’anglais. Il avait pris l’initiative de créer ce groupe à la demande de M. Hartmann, Vice-président de Hoffmann-La Roche à Bâle, qui, de son côté, avait l’intention de constituer un groupe semblable en Suisse19.

d) Finalement, un groupe ad hoc s’est formé récemment en vue de la création, plus tard, d’un cercle suisse. Il vient de commencer son activité en organisant avec pas mal de succès une soirée de «bowling» et un «Chlaus-Abend». Il est important que l’Ambassade appuie avec tous les moyens à sa disposition ces gens de bonne volonté (en participant eux-mêmes, en donnant des prix en espèce, en mettant à disposition des tables de bridge, etc.). Cette nouvelle tentative est surtout intéressante pour les jeunes Suisses qui ne se connaissent pas ou peu afin de leur donner la possibilité de se rencontrer.

e) Le 1er août est organisé par un groupe ad hoc de la colonie dans un hôtel de la ville, l’Ambassade ne s’y prêtant guère20. Ces réunions fort chères (en 1974 frs. 18’000 environ) sont financées par les contributions des entreprises suisses. L’ambassadeur met à disposition les vins ainsi que le cuisinier pour faire des ramequins.

Depuis que je suis à Tokyo, je n’ai pas fait de Fête Nationale pour le Corps diplomatique, les autorités et les amis de la Suisse, faute de place à la résidence et à cause du prix impossible des hôtels.

1
Rapport de fin de mission: CH-BAR#E2024A#1993/354#2234* (a.721.81). Visé par A. Janner, A. Glesti et P. Burdet. Cf. aussi le rapport politique No 1 de G. E. Bucher à P. Graber du 2 janvier 1975, dodis.ch/39648.
2
Cf. DDS, vol. 26, doc. 139, dodis.ch/39653.
3
P. Cuénoud.
4
Cf. DDS, vol. 25, doc. 137, dodis.ch/35508, point 3d.
5
Cf. le télégramme No 36 de R. Probst à l’Ambassade de Suisse à Tokyo, dodis.ch/39649.
6
Cf. la lettre de P. E. Jaccaud à P. R. Jolles du 20 janvier 1975, CH-BAR#E7110#1986/24#1887* (842.0).
7
Cf. doss. CH-BAR#E7110#1985/97#1324* (842.2.AVA).
8
Cf. DDS, vol. 24, doc. 25, dodis.ch/32485, en particulier note 10 et la lettre de P. E. Jaccaud à E. Thalmann du 9 juillet 1973, dodis.ch/39651.
9
Cf. la notice de M. Gelzer du 7 juin 1974, dodis.ch/39650.
10
Cf. la notice de P. R. Jolles du 26 septembre 1973, dodis.ch/39749; le rapport politique No 36 de G. E. Bucher du 30 octobre 1973, dodis.ch/39760; le compte rendu de M. Krell du 26 avril 1974, dodis.ch/39750; le rapport de A. Maillard du 5 juin 1974, dodis.ch/39755 et la notice de H. Gattiker de 1975, dodis.ch/39733. Pour les relations scientifiques avec le Japon, cf. la lettre de A. Janner à M. Cosandey du 26 mai 1975, dodis.ch/39768.
11
Pour une visite chez les missionnaires suisses au Japon, cf. la lettre de G. E. Bucher à E. Thalmann du 13 novembre 1973, dodis.ch/39652.
12
E. Stadelhofer. Annotation manuscrite dans la marge de A. Janner: Typisch Stadi! Cf. aussi le rapport de E. Stadelhofer du 21 juin 1971, dodis.ch/35526.
13
M. E. Hansen.
14
Cf. doss. CH-BAR#E2200.136-04#1989#13#302* (643.011).
15
Hirohito.
16
Cf. la lettre de G. E. Bucher à A. Janner du 21 février 1972, dodis.ch/35509.
17
Cf. doss. CH-BAR#E2200.136-04#1989/13#37* (110.531).
18
Cf. la lettre de G. E. Bucher à P. R. Jolles du 23 avril 1974, CH-BAR#E7110#1985/97#531* (810).
19
Cf. la lettre de G. E. Bucher à P. R. Jolles du 1er mai 1974, ibid.
20
Cf. doss. CH-BAR#E2200.136-04#1989/13#35* (110.51).