dodis.ch/41594
Le Conseil fédéral aux Agents diplomatiques et consulaires1 de la Suisse2

Nous avons l’honneur de vous transmettre ci-joint, en double exemplaire, le texte de la convention monétaire qui a été conclue le 23 Décembre 18653 entre la Suisse, la Belgique, la France et l’Italie.

Ainsi que vous le verrez, Monsieur, cet acte qui est entré en vigueur le 1er Août dernier, a reconstitué sous la garantie d’un contrat international une union monétaire qui avait existé de fait entre ces quatre Etats, mais que diverses mesures adoptées sans entente préalable avaient rompue dans ces dernières années.

Ces mesures prises d’abord par la Suisse, qui comprit la première les exigences de la situation, puis par l’Italie et la France, avaient un même but, celui de faire cesser la disparition anormale de la monnaie divisionnaire d’argent ou monnaie d’appoint, indispensable pour les paiements de peu d’importance. Au mal, ces mesures opposaient le même remède, l’abaissement du titre des monnaies d’appoint, mais en suivant malheureusement des règles et des proportions différentes.

Les pièces suisses frappées au titre de 800 millièmes de fin furent refusées dans les caisses publiques de France et d’Italie, pays dans lesquels le titre de 835 avait été adopté de préférence à celui de 800. Les inconvénients de cet état de choses ne tardèrent pas à se manifester et à faire apprécier plus vivement peut-être que par le passé, aux populations des quatre Etats limitrophes, les avantages de la communauté monétaire dont elles avaient antérieurement profité.

C’est en vue de satisfaire à de justes réclamations et aux intérêts pressants du commerce que, l’année dernière, des commissaires délégués par la Suisse, la Belgique, la France et l’Italie se sont réunis à Paris dans le but d’arrêter les clauses de la convention du 23 Décembre et ils ont pleinement atteint le but immédiat qui était assigné à leurs travaux; cet acte comporte en effet dans son ensemble, sauf l’unité d’étalon, un système monétaire complet pour les monnaies proprement dites, à l’exclusion du billon.

Aujourd’hui, les espèces d’or et d’argent des quatre Etats sont fabriquées dans des conditions identiques. En ce qui concerne particulièrement les monnaies d’argent fractionnaires de la pièce de 5 francs, véritables monnaies d’appoint qui peuvent seules pourvoir aux besoins des petites transactions, le titre de 835 millièmes a été définitivement adopté; c’est ce chiffre qui, déjà consacré en France et en Italie, a paru satisfaire le mieux aux conditions du problème qu’il s’agissait de résoudre, c’est-à-dire de donner aux pièces divisionnaires de l’union la valeur intrinsèque la plus élevée et les qualités d’un bon alliage, tout en supprimant la prime qu’elles obtenaient depuis la dépréciation relative de l’or et qui permettait à la spéculation de les refondre et de les exporter avec bénéfice.

Des dispositions expresses limitent d’ailleurs l’émission et le cours légal de ces monnaies d’appoint et servent ainsi de correctif à l’abaissement du titre.

Des règles précises réduisent à des chiffres aussi faibles que possible les tolérances de fabrication et de frai, de manière à maintenir les pièces de l’union dans des conditions constamment normales.

Enfin, Monsieur, vous remarquerez une clause qui se détache de l’ensemble des stipulations exclusivement destinées à déterminer le régime monétaire des quatre pays, nous voulons parler de la faculté d’accession que l’art. 12 garantit à tout autre Etat. Cette clause peut être considérée comme la manifestation d’un vœu, qui s’est produit au sein de la conférence internationale et qui n’a pas été sans influence sur l’heureuse issue de la négociation. Après avoir fait disparaître les divergences dont ils avaient reconnu les inconvénients, les délégués de la Suisse, de la Belgique, de la France et de l’Italie, voyant une population de 70 millions d’habitants désormais dotée du même système monétaire, devaient être tout naturellement amenés à se préoccuper d’un intérêt plus général et ils exprimèrent au nom de leurs gouvernements le désir de voir l’union, encore restreinte à quatre pays, devenir le germe d’une union plus vaste et favoriser l’établissement d’une circulation monétaire uniforme entre tous les états civilisés.

C’est en vue de ce grand intérêt que le Gouvernement français, avec le consentement des autres Etats contractants, vient de transmettre la convention ci-jointe aux Etats qui sont invités à accéder à la convention monétaire du 23 Décembre 1865. Le Conseil fédéral désire, Monsieur, que vous fassiez de votre côté les démarches que vous croirez les plus propres à appuyer l’initiative prise par la France au nom des états signataires du traité.

On ne saurait se dissimuler les objections que cette proposition devra rencontrer, mais d’autre part il est certain que les vues qui ont inspiré la convention monétaire répondent à des nécessités, qui s’imposent dès à présent à la sollicitude des gouvernements.

A mesure que la solidarité qui existe entre les intérêts économiques devient de plus en plus étroite, chaque peuple en présence des avantages déjà réalisés comprend mieux l’importance de supprimer les entraves que rencontrent encore les relations internationales; l’une des plus onéreuses et des plus gênantes résulte assurément de la diversité des monnaies qui multiplie les variations du change.

L’idée de l’unification des systèmes monétaires fait donc chaque jour de nouveaux progrès. C’est sous son influence qu’a été conclu, dès le 24 Janvier 1857, le traité qui a si notablement simplifié le régime des Etats compris dans l’ancienne Confédération germanique; plus récemment, en 1865, la même tendance s’est manifestée dans les discussions et dans les votes de la diète commerciale allemande; enfin la convention même du 23 Décembre a été spontanément l’objet de la part de plusieurs gouvernements étrangers d’un examen qui témoignait assez de leur sollicitude pour les intérêts qui s’y rattachent; une nouvelle loi monétaire a déjà introduit dans les Etats romains le régime stipulé par la convention de Paris et aux Etats-Unis l’opinion publique a été appelée sur cette question par les délibérations même du congrès.

Nous vous laissons le soin, Monsieur, de faire usage des considérations qui précèdent et de leur donner tous les développements que vous jugerez de nature à les compléter, afin d’appuyer efficacement la démarche de la France auprès du Gouvernement de [...]4Si, pour le moment, ce gouvernement était arrêté par des objections graves, nous attacherions un prix tout particulier à être informés par vous de ces obstacles et à connaître les observations auxquelles aurait donné lieu l’examen de cet acte. A défaut d’un résultat plus satisfaisant et plus immédiat, il y aurait un profit incontestable à pouvoir apprécier exactement la nature et l’étendue des difficultés qu’il s’agirait d’écarter pour aboutir à l’uniformité monétaire.

1
A la Légation de Suisse à Vienne, ainsi qu 'aux Consulats généraux et Consulats établis à Londres, Madrid, Rome, Lisbonne, St-Pétersbourg, Washington, Amsterdam, Leipzig et Hambourg.
2
Circulaire: E 1001 (E)q 1/73.
3
RO VIII, pp. 760- 771.
4
Gouvernement auprès duquel l’Agent suisse est accrédité.