Pour compléter le rapport que je viens de dicter2, je me permets de vous faire part des informations suivantes, qui m’ont été confiées, à titre tout à fait secret, par un homme dont la parole est absolument sûre:
Dans la discussion au sujet de la Ligue, les Belges, très vigoureusement et très éloquemment appuyés par MM. Bourgeois et Larnaude, qui constituent la délégation française, et aussi par Kramarz (Bohême), ont passionnément lutté pour Bruxelles. MM. Vesnitch, Venizelos, Lord Cecil et le président Wilson ont parlé pour Genève. D’après mon informateur, dont la situation le prive à vrai dire d’impartialité à cet égard, le meilleur discours prononcé en faveur de Genève aurait été de beaucoup celui du Président Wilson. Le résultat était acquis d’avance, mais l’opposition était plus forte qu’on ne s’y attendait. Les Etats qui se sont prononcés en faveur de Genève sont les U.S., la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, la Grèce, la Serbie, le Brésil et le Sud Africain anglais (Smuts), donc 12 voix, c’est-à-dire la majorité. Bruxelles n’a pas été mise aux voix, mais elle pouvait compter, paraît-il, sur six voix, France, Belgique, Tchécoslovaquie, Roumanie et Portugal. Le délégué polonais était absent.
Mon informateur, auquel je confiai ma déception au sujet de l’attitude de la France, vu ses déclarations antérieures en notre faveur, ne peut croire que MM. Bourgeois et Larnaude [nous? aient trompé. Leurs instructions devaient avoir été ou muettes au sujet du siège ou favorables à Bruxelles.
Vous comprendrez aisément, Monsieur le Conseiller fédéral, pourquoi ces informations doivent rester secrètes. Je pensais cependant qu’elles ne seraient pas sans intérêt pour vous.
D’ici à la séance de la réunion pléniére il faudrait par tous les moyens nous assurer l’appui des délégations qui n’étaient pas représentées au sein de la Commission. Je multiplierai mes démarches dans ce sens. [...]