dodis.ch/44917
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 19 mai 19231

1139. Ermordung Worowskys. Antwort an Tchitscherin.

Der Vorsteher des politischen Departements gibt Kenntnis von dem gestern über Berlin eingetroffenen Telegramm2 des Volkskommissärs für Auswärtige Angelegenheiten der Sovietregierung in Moskau, Herrn Tchitscherin, über die Ermordung des Herrn Worowsky in Lausanne.

Auf Grund der Beratung wird beschlossen, folgende Antwort telegraphisch an Herrn Tschitscherin zu richten:adressé par le Département politique fédéral à M. Tchitchérine, Commissaire du Peuple aux Affaires étrangères de Russie, à Moscou.

«Berne, le 19 mai 1923, 11 heures.

Réponse à votre télégramme en date du 16 mai, reçu hier au soir, au sujet de l’attentat commis sur M. Vorowsky et deux de ses collaborateurs à Lausanne.

Le Conseil fédéral a dû d’abord se poser la question de savoir si sa dignité et celle du pays qu’il gouverne lui permettraient de donner une réponse aux accusations audacieuses et outrageantes que vous n’avez pas hésité à lui lancer. Il a estimé devoir, pour cette fois, le faire, afin d’éviter que son silence ne fût mal interprété par l’opinion publique que votre télégramme tend à égarer.

Le Conseil fédéral n’a rien à se reprocher. Dès qu’il connut le crime, il le réprouva publiquement3 comme un acte contraire à la morale et aux lois, sauvegardes de l’ordre démocratique. Il le réprouva parce que rien, à ses yeux, ne saurait justifier le meurtre d’un homme. Par un geste de pitié humaine, il fit présenter, par un fonctionnaire du Département politique, des condoléances à la veuve de M. Vorowsky. Il avait l’intention d’en faire autant vis-à-vis de M. Divilkowsky, mais il en fut empêché contre sa volonté.4 Il ignora M. Ahrens dont l’attitude avait été constamment insolente.

Au moment de l’attentat, la Russie n’avait pas encore été invitée à la deuxième réunion de la Conférence.5 L’invitation dépendait exclusivement des Puissances dites invitantes. Le Conseil fédéral se préoccupa de tirer au clair ce point qui était essentiel pour les déterminations qu’il avait à prendre. Les Puissances lui notifièrent le 4 mai, par une lettre du Secrétariat général6, que M. Vorowsky ne pouvait pas être considéré comme participant à la Conférence. La question de l’invitation était ainsi tranchée par l’instance seule compétente et il restait démontré par là que M. Vorowsky n’avait pas en Suisse une mission qui dût être envisagée comme officielle. Votre délégué ne pouvait non plus prétendre au droit de se servir de courriers diplomatiques, car ce droit n’appartient qu’aux missions officielles régulièrement reconnues.

M. Vorowsky avait déclaré aux Autorités de police vaudoises, lors de la première réunion par la Conférence, qu’il ne demandait pas pour lui une surveillance spéciale. Lorsqu’il revint pour la deuxième réunion de la Conférence, il ne prit pas même la précaution de se faire annoncer à ces mêmes Autorités. Celles-ci établirent néanmoins une surveillance discrète sur vos délégués, mais n’eurent jamais la moindre connaissance d’un complot quelconque tramé contre eux.

Lorsque les Autorités suisses apprirent que quelques membres d’un groupement vaudois avaient entrepris des démarches pour engager vos délégués à quitter le sol de la Suisse, elles intervinrent sans retard pour faire cesser ces procédés. Les membres en question furent invités à se tenir tranquilles. Il n’y a pas le moindre indice permettant de penser qu’ils aient entretenu des relations avec le meurtrier. Il n’existe entre leurs démarches et le fait de l’attentat aucun rapport ni direct ni indirect de cause à effet.

Conradi a été arrêté immédiatement après son crime. Il affirme avoir voulu se venger des atroces souffrances infligées à sa famille en Russie. Il est entre les mains de la justice cantonale vaudoise, qui est compétente d’après la législation suisse pour connaître de l’attentat et pour le juger. La Justice accomplira sa tâche en pleine indépendance. Le pouvoir exécutif ne saurait s’ingérer dans l’action du pouvoir judiciaire. Le Conseil fédéral, qui, lui, a le droit de demander réparation au Gouvernement soviétique des actes inouïs de violence et de spoliation qu’il a perpétrés ou laissé se perpétrer contre des milliers de citoyens suisses, ne doit à qui que ce soit d’autres satisfactions que celles qui sont commandées par son devoir de veiller à l’application impartiale des lois en vigueur dans le pays.

Département politique fédéral.»

1
E 1004 1/287.
2
Cf. no 274.
3
Cf. no 272.
4
Le fonctionnaire envoyé à Lausanne fut Maxime de Stoutz, Conseiller de Légation. Cf. son rapport du 14 mai 1923 E 2001 (B) 4/21.
5
A ce sujet, cf. nos 271, 272.
6
Extrait de la Lettre de Massigli à Dinichert: Suivant les instructions des représentants des Puissances invitantes, j’ai l’honneur de vous faire savoir que les vues qui vous ont été exposées par le Comte d’Ormesson, représentent exactement la manière de voir de ces Puissances. M. Vorowsky, n’ayant fait à la Conférence de Lausanne aucune déclaration indiquant que le Gouvernement des Soviets soit disposé à signer la Convention des Détroits déjà élaborée, ne peut être actuellement considéré comme participant à cette Conférence (E 2001 (B) 4/21). Voir aussi no 271, notes 5 et 9.