dodis.ch/46106 Le Directeur de la Division du Commerce du Département de l’Economie publique, W. Stucki, au Secrétaire du Comité de Coordination de la Société des Nations, A. Loveday1

M. de Bordes m’a soumis hier de votre part quelques questions relatives à l’application du régime spécial prévu par la Suisse dans le trafic des marchandises avec l’Italie2. Comme il m’est impossible, avec toute la meilleure volonté, de me rendre ces prochains jours à Genève et de donner personnellement les explications que vous me demandez, je voudrais répondre provisoirement et par écrit, à l’intention du Comité d’experts3, aux questions que vous m’avez fait poser. Je ne puis malheureusement pas encore le faire aujourd’hui d’une manière définitive, attendu qu’un règlement dépend dans une large mesure du sort des négociations italo-suisses au sujet de l’application du système de compensation prévu par la Suisse.4 Ces pourparlers, qui ont commencé il y a près de trois semaines, se révèlent extrêmement difficiles et n’ont encore abouti à aucune entente. Sous cette réserve, je puis vous communiquer ce qui suit:

1. La Suisse se propose de stabiliser tant l’importation de marchandises italiennes en Suisse que l’exportation de marchandises suisses en Italie au niveau qu’elles ont eu jusqu’à présent, c’est-à-dire aux chiffres de l’année 1934. Bien entendu, ce principe ne pourra guère être entièrement réalisé dans la pratique, les fluctuations de prix et le recul du pouvoir d’achat se faisant fortement sentir dans les deux pays. Dès lors, les chiffres de l’année 1934 doivent être considérés comme une limite supérieure, qui ne sera probablement pas atteinte.

En 1934, l’importation d’Italie s’est élevée à 116 millions de francs, l’exportation de Suisse en Italie à 76 millions; la balance commerciale accusait donc un solde actif de 40 millions de francs pour l’Italie. Dans les dix premiers mois de l’année en cours, il a été importé des marchandises d’Italie pour 76 millions de francs et il a été exporté de Suisse en Italie pour 62 millions de francs. L’actif en faveur de l’Italie se monte ainsi, dans les dix premiers mois de 1935, à 14 millions de francs, ce qui correspond à une somme de 16,8 millions pour toute l’année. Nous cherchons à nous entendre avec l’Italie au sujet de l’utilisation de cet excédent devenu si modique. Il est bien entendus que nous partons à ce propos du point de vue que la somme dont il s’agit ne doit, conformément aux déclarations que nous avons données à Genève5, profiter en aucune façon à l’Italie sous forme de devises, mais être affectée entièrement à des intérêts suisses. A cet égard, il convient de relever que la Suisse possède des créances arriérées d’environ 20 millions de francs pour des livraisons de marchandises qu’elle a déjà effectuées, que ses avoirs financiers d’une autre nature dépassent le montant de 500 millions de francs et qu’il existe également d’importants engagements de l’Italie envers la Suisse pour assurances, transports et autres trafics du même genre6. La pleine utilisation de l’excédent prémentionné ne pourra donc couvrir qu’une infime partie des créances considérables de la Suisse.

2. Pour l’application de l’échange restreint des marchandises, nous nous basons tant à l’importation qu’à l’exportation sur les chiffres du trimestre correspondant de l’année 1934.

3. Nous considérons l’engagement que nous avons pris, par lettre du 28 octobre7, à l’égard du Comité de coordination comme ayant été donné en ce sens que l’importation totale et l’exportation totale pendant un trimestre ne doivent pas dépasser les quantités du trimestre correspondant de 1934. Toutefois, nous nous réservons d’appliquer également ce principe pour les différentes catégories de marchandises, afin d’empêcher notamment que ne s’opèrent entre ces dernières des changements qui ne répondent pas aux intérêts de notre économie.

Bien entendu, je me tiens en tout temps à votre disposition pour vous donner d’autres renseignements.

Je vous prie instamment de considérer les communications ci-dessus comme si elles vous avaient été faites de vive voix par moi, c’est-à-dire de vous borner à donner la lecture de cette lettre, sans la multiplier, ni la remettre à personne8.

1
Lettre (Copie): E 2001 (C) 5/163.
2
Cf. surtout annexe II au no 172.
3
Nommé le 6 novembre, par résolution du Comité des Dix-huit; chargé d’examiner les renseignements fournis par les gouvernements concernant l’application des mesures de sanctions proposées par le Comité de Coordination (JO. SDN, 1935, Supplément spécial no 146, pp. 50–51 ).
4
Sur les négociations entre la Suisse et l’Italie pour la conclusion d’un accord de clearing, cf. rubrique II. 15.1: Italie, relations commerciales et financières et accord de clearing.
5
Cf. no 160 et n. 8.
6
Cf. no 161.
7
Cf. annexe II au no 172.
8
La lettre de Stucki à A. Loveday sera lue le 30 novembre devant le Comité des experts (JO.SDN, 1936, Supplément spécial no 147, pp. 26–27).