dodis.ch/46250
Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna, aux Légations de Suisse1

Contrairement à ce que nous supposions lors de notre dernier rapport du 28 octobre2, les communications postales avec Madrid on pu être maintenues, bien que le courrier ordinaire soit délivré avec des retards assez considérables. Depuis le jour où la capitale espagnole a été sérieusement menacée par l’attaque des troupes nationalistes, nous avons eu quotidiennement un entretien téléphonique avec M. Fontanel, qui nous a de la sorte renseignés au fur et à mesure sur la situation de la colonie suisse et celle de la Légation. Malgré les bombardements qui se sont faits plus intenses ces derniers jours, il n’y a heureusement aucune victime à déplorer parmi les membres de la colonie suisse. En revanche, plusieurs appartements appartenant à des Suisses ont subi des dégâts, moins considérables cependant qu’il n’y avait lieu de le craindre. La Légation a institué un comité spécial, chargé de visiter les appartements endommagés et de remédier, dans la mesure du possible, aux dégâts constatés. Ce comité surveille également les appartements de nos compatriotes qui sont occupés par des réfugiés espagnols. En effet, une grande partie de la population, fuyant les quartiers directement menacés, a dû chercher asile dans les appartements vides et la Légation a estimé de bonne politique d’accepter les personnes qui lui paraissaient présenter le plus de garanties.

Par suite du manque de vivres et des attaques aériennes continuelles, la présence à Madrid de nos compatriotes devient de jour en jour plus critique. A la demande de la Légation, nous avons autorisé celle-ci à recommander formellement aux Suisses de quitter la ville et d’organiser l’évacuation progressive de la colonie3.[...]

A Barcelone, l’annonce d’un prochain bombardement du port a jeté quelque trouble dans la colonie suisse, qui craignait également de voir, d’un jour à l’autre, coupée toute communication avec la France. Le Consulat a reçu pour instructions de faciliter autant que possible le départ des Suisses qui ne désiraient plus rester à Barcelone./•••/

Le Consulat continue à protéger les très nombreux et importants intérêts suisses en Catalogne, mais sa tâche s’avère de jour en jour plus difficile et le décret du 24 octobre4 prévoyant la collectivisation des entreprises industrielles et commerciales ainsi que le contrôle des entreprises particulières n’a marqué qu’une nouvelle étape vers le communisme intégral. Ce décret nous a amenés à inviter les ressortissants suisses qui possèdent une entreprise industrielle en Catalogne ou qui ont des intérêts dans une entreprise de ce genre à nous faire connaître la nature exacte de ces intérêts au moyen d’un formulaire spécial que nous leur faisons parvenir sur leur demande. M. Werner Schmidt, directeur de la C.I.B.A., à Barcelone, qui préside le comité économique travaillant d’entente avec le Consulat, a bien voulu se charger de l’étude des questions que soulève ce décret. Il nous a adressé un rapport très substantiel sur ses premiers effets. Ceux-ci, heureusement, ne sont pas tout à fait aussi défavorables que nous le prévoyions, ce qui paraît dû avant tout au fait que les autorités chargées d’appliquer les dispositions dont il s’agit ne réussissent guère dans leur tâche et qu’il leur est à peu près impossible d’imposer des mesures d’ordre général.

A Valenceet à A licante, la situation des Suisses est également devenue plus difficile, étant donné l’anarchie croissante qui règne dans ces villes. C’est ainsi que les Suisses de Madrid qui s’étaient réfugiés à Alicante ont, dernièrement quitté cette ville à destination de Séville où ils sont hospitalisés par les soins de notre Consulat.

[...]5

Les derniers rapports du Consulat de Suisse à Sévilleindiquent que la situation est redevenue normale dans cette partie de l’Espagne et nombreux sont ceux de nos compatriotes qui ont regagné leur domicile à Séville ou dans les environs.

De Saragosseégalement, nous recevons des nouvelles rassurantes des quelque 15 Suisses qui s’y trouvent.

De récents articles de journaux faisant allusion aux persécutions et aux massacres de pasteurs et de protestants par les nationalistes ont suscité l’indignation des autorités nationalistes, qui se sont plaintes auprès du Consulat de Suisse à Séville de cette campagne tendancieuse, croyant y voir l’expression d’un sentiment d’hostilité de l’opinion publique suisse à leur égard. D’après les premières informations que nous fournit le Consulat de Suisse à Séville, les faits auxquels il est fait allusion dans ces articles, rédigés par le Secrétariat de l’Office central d’entr’aide des Eglises, à Genève, seraient totalement dénués de fondement, ou tout au moins très fortement exagérés. Nous espérons que les précisions complémentaires que nous attendons encore permettront de rassurer définitivement les milieux dans lesquels quelque inquiétude s’était manifestée à la suite de ces nouvelles.

Aux Baléares, enfin, la situation des Suisses paraît également s’être améliorée et grâce à l’obligeance du Ministère des Affaires étrangères italien, nous communiquons avec nos compatriotes par l’entremise de l’agence consulaire d’Italie à Palma de Majorque6.

1
Rapport (Copie): E 2001 (D) 1/140. Paraphe: KO.
2
Non reproduit.
3
Télégramme du 28 novembre à 18 h. à la Légation de Suisse à Madrid (E 2001 (D) 1/175).
4
Cf. no 312.
5
La situation à Santander et à Bilbao.
6
Sur le nombre de Suisses qui ont quitté l’Espagne à la fin de l’année 1936, un document du Département politique fournit les chiffres suivants au 8 décembre:[...] Für die Tabelle vgl. dodis.ch/46250. Pour le tableau, cf. dodis.ch/46250. For the table, cf. dodis.ch/46250. Per la tabella, cf. dodis.ch/46250.