dodis.ch/48400Notice du Chef suppléant de la Division politique I du Département politique, A. Maillard1

Visite du ministre des affaires étrangères roumain2

Remarques liminaires

Nos relations avec la Roumanie3 ont subi un sérieux revers l'an dernier lorsque ce pays ressuscita soudain sans motif compréhensible deux affaires dont l'une était enterrée depuis longtemps (les fonds Cretzianu) et l'autre est pendante devant les tribunaux (EHAG). La démarche roumaine avait été faite sur un ton tout à fait déplaisant: le ministre des affaires étrangères Macovescu avait déclaré à notre ambassadeur, M. Aubaret, que l'attitude suisse était contraire au droit des gens et inamicale. Une notice4 résumant ces deux affaires se trouve dans le dossier. (voir sous lettre c.)

Tout laisse à penser que les autorités roumaines ont maintenant décidé d'enterrer ces deux affaires. M. Andrei n'en parlera sans doute pas. Néanmoins, on se perd encore en conjectures sur les mobiles de la démarche de l'an dernier. L'hypothèse la plus vraisemblable semble être la suivante:

La Roumanie connaissait, et connaît encore, de sérieuses difficultés de paiement. Elle se trouvait tellement aux abois qu'elle se crut obligée de recourir à tous les expédients pour trouver de l'argent. Or, le fonds Cretzianu se montait à 6 millions de francs suisses qu'il fallait essayer de récupérer, de même qu'il fallait tuer dans l'œuf les revendications EHAG. Le rôle joué dans cette affaire par la Banque du commerce extérieur confirmerait cette hypothèse. Mais le choix de la manière forte doit sans doute être attribué aux autorités supérieures du parti.

Aujourd'hui, au contraire, les Roumains s'efforcent visiblement de nous faire plaisir, notamment dans le domaine des réunions de famille5. Bon nombre de cas ont été résolus récemment. Il est vrai que de nouveaux cas apparaissent sans cesse, ce qui tendrait à montrer qu'ils ne sont pas tous également authentiques. Dans au moins un des cas6 qui ont été résolus, il apparaît maintenant clairement que le mariage avec un citoyen suisse n'était qu'un moyen pour quitter la Roumanie. C'est pourquoi le soussigné a déclaré il y a quelques jours à l'ambassadeur7 de Roumanie – qui visiblement cherchait à s'assurer que nous avions pris connaissance des progrès réalisés – que nous n'étions pas nécessairement à 100% derrière chaque cas particulier.

Depuis l'affaire de l'an dernier, nous avons montré de la froideur envers la Roumanie, notamment en recommandant aux administrations compétentes de freiner la conclusion d'un arrangement en matière scientifique8. Suivant les résultats de la visite de M. Andrei, un changement d'attitude pourrait être justifié.

Au plan politique, notre ambassade à Bucarest estime comme nous que le régime Ceaucescu est, avec le régime tchécoslovaque, le plus stalinien des pays satellites, et que la fameuse indépendance de Ceaucescu en politique étrangère est un spectacle davantage qu'une réalité. Il nous semble que cette vue est assez largement partagée en Suisse.

1
Notice (copie): CH-BAR#E2001E-01#1988/16#5231* (B.15.21.(5)).
2
Ș. Andrei. Pour les entretiens entre P. Aubert et Ș. Andrei les 22 et 23 juin 1978, cf. les comptes rendus de M. Coquoz du 10 juillet 1978, dodis.ch/48142 et du 6 juillet 1978, dodis.ch/48146.
3
Cf. le rapport final de P.-H. Aubaret du 31 janvier 1978, dodis.ch/48406 et la lettre de Th. Wernly à la Direction politique du Département politique du 4 septembre 1978, dodis.ch/52867.
4
Notice de A. Hegner à P. Graber du 9 août 1977, dodis.ch/48404. Cf. aussi DDS, vol. 8, doc. 165, dodis.ch/44807 et DDS, vol. 16, doc. 47, dodis.ch/1717.
5
Cf. la lettre de P.-H. Aubaret à A. Weitnauer du 29 mars 1976, dodis.ch/48407 et la notice de J.-M. Boillat à P. Aubert du 24 octobre 1978, dodis.ch/48408.
6
Cf. doss. CH-BAR#E2001E-01#1988/16#5247* (B.31.82).
7
D. Enăchescu.
8
Pour la coopération scientifique avec la Roumanie, cf. DDS, vol, 27, doc. 68, dodis.ch/49412 et le rapport de P. Guenot et R. Hofmann du 27 mai 1977, dodis.ch/49397.