dodis.ch/49427Notice du Chef-suppléant de la Division politique I du Département politique, A. Maillard1

Entretien du 6 octobre 1977 à 11h00 entre l'Ambassadeur Hegner et le Chargé d'affaires d'Italie M. Giovanni Battistini

H[egner] ouvre l'entretien en remarquant que le Chef du Département2 eût aimé recevoir lui-même l'Ambassadeur d'Italie3, mais a été peiné d'apprendre qu'il se trouvait malade. Il forme les meilleurs vœux pour sa santé.

Le Conseiller fédéral Graber a été surpris par les déclarations de M. Foschi qu'il a lues dans la presse et les propos qui ont été entendus par certains de ses collaborateurs à la télévision. Ces déclarations, dans lesquelles il est question du «système archaïque» de la Suisse et de son manque de respect des droits de l'homme et où elle semble même avoir été comparée défavorablement à l'URSS, dépassent le cadre de ce qu'on peut considérer comme d'usage entre pays voisins soucieux d'entretenir de bonnes relations4. Certes, l'étroitesse même des relations entre la Suisse et l'Italie implique plus ou moins inévitablement des frictions mais celles-ci devraient être débattues dans les organes appropriés, qui existent. Il convient de ne pas oublier non plus que les ministères des affaires étrangères sont là pour amortir les choses.

Le Département politique, pour sa part, n'est pas responsable de tous les secteurs qui ont donné lieu à des doléances de la part de M. Foschi. Il ne peut donc se prononcer, du moins à ce stade, sur le fond de ces problèmes. D'autre part, nous sommes conscients de ce qu'il y a derrière les déclarations de M. Foschi tout un arrière-plan de politique intérieure qui nous incite à les considérer «cum grano salis». Aussi ne voudrions-nous pas dramatiser les choses. Nous devons néanmoins dire notre surprise de voir que le gouvernement italien ne parait plus appuyer la ratification de l'accord de double imposition5.

B[attistini], tout en concédant que certains des propos en cause ont peut-être été excessifs, précise toutefois qu'ils ont été partiellement déformés. Par exemple, M. Foschi, avec qui B[attistini] vient de s'entretenir, affirme qu'il n'a pas comparé défavorablement la Suisse à l'URSS sous l'angle des droits de l'homme, mais qu'il s'est borné à déclarer qu'au moment où les pays occidentaux mettent en accusation l'URSS6, il convient qu'ils fassent en même temps un effort pour progresser eux-mêmes dans l'observation réelle des droits de l'homme. En ce qui concerne l'arrière-plan de politique intérieure, B[attistini] observe que la NZZ l'a, à son avis, exposé de manière adéquate.

H[egner] prend note de ces précisions, mais prie tout de même B[attistini] de demander à son Ministre des affaires étrangères, M. Forlani, au nom de M. Graber, que les problèmes des travailleurs italiens en Suisse ne soient pas mentionnés, demain, 7 octobre, à Belgrade, dans la déclaration que le délégué italien7 doit prononcer au cours du débat général d'ouverture. Il appartient au gouvernement italien de juger s'il y aura lieu de soulever ces problèmes à huis clos, soit à Belgrade, soit de préférence dans d'autres organisations telles que le Conseil de l'Europe8.

Bien entendu, les griefs italiens devront être examinés en commun, mais H[egner] voudrait d'ores et déjà faire remarquer que certains des reproches formulés par M. Foschi paraissent pour le moins exagérés. Nous ne saurions admettre, par exemple, que tous les avantages consentis dans les accords entre gouvernements aient été par la suite réduits à néant par les autorités d'exécution en Suisse. Il ne nous paraît pas que, dans ces accords, l'Italie ait été perdante.

B[attistini] promet de porter à la connaissance de M. Forlani la requête de M. Graber. Il ne doute pas un instant qu'elle ne soit acceptée. H[egner] relève ensuite que, selon les journaux, M. Foschi aurait l'intention, à un stade ultérieur de son séjour en Suisse, de prendre contact avec les autorités fédérales. Si tel est le cas, il sera le bienvenu.

B[attistini] précise que M. Foschi était venu d'abord pour rencontrer, à Zürich, la ligue des sociétés italiennes en Suisse, puis, à Berne, la réunion des consuls italiens en Suisse9. Il prend note de la déclaration de H[egner] en ce qui concerne un contact avec les autorités fédérales.

B[attistini] commence ensuite une énumération des doléances dont M. Foschi lui a fait part. H[egner] n'aura malheureusement pas le temps de lui laisser terminer son énumération, car il doit faire face à un autre rendez-vous, mais, de toute façon, il est bien évident que ce contact ne sera pas le dernier.

M. Foschi a d'abord souligné que les problèmes des travailleurs italiens en Suisse ne sont pas comparables aux violations des droits de l'homme qui sont reprochées à l'URSS. Néanmoins, le gouvernement italien, pour des raisons évidentes, ne peut pas laisser aux communistes le monopole de la sollicitude pour les émigrés italiens. On ne saurait cacher d'autre part que le gouvernement italien a été sérieusement déçu par l'échec de la réunion de la commission mixte au mois de juin dernier10. En ce qui concerne les deux conventions, dont l'une porte sur l'imposition des travailleurs frontaliers11 et l'autre sur la double imposition12, le gouvernement italien estime que la Suisse n'a pas respecté l'entente selon laquelle la mise en application de la première devait précéder celle de la seconde. En liant les deux conventions, le parlement suisse a compliqué les choses et a contraint le parlement italien à établir, par rétorsion, d'autres liens que la Suisse ne peut accepter.

Enfin, B[attistini] exprime le regret que les autorités chargées de la préparation de la nouvelle loi sur les étrangers en Suisse13 aient refusé de donner, à ce sujet, des informations à l'Ambassade d'Italie. Celle-ci ne veut certes pas s'ingérer dans des problèmes qui relèvent de la souveraineté suisse, mais l'intérêt de l'Italie pour cette loi devrait être compris.

H[egner] est amené alors à suspendre l'entretien.

1
Notice: CH-BAR#E2001E-01#1988/16#3993* (B.15.21).
2
P. Graber.
3
G. Pignatti Morano di Custoza.
4
Pour une vue d'ensemble des relations entre la Suisse et l'Italie, cf. DDS, vol. 26, doc. 35, dodis.ch/38348; DDS, vol. 27, doc. 53, dodis.ch/37679 et le PVCF No 1278 du 16 août 1978, dodis.ch/49426.
5
Convention entre la Confédération suisse et la République italienne en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 9 mars 1976, RO, 1979, pp. 461–482. Pour l'historique et la suite des négociations, cf. DDS, vol. 26, doc. 70, dodis.ch/38622 et doc. 194, dodis.ch/38628 ainsi que DDS, vol. 27, doc. 44, dodis.ch/49428 et doc. 113, dodis.ch/49423.
6
Cf. DDS, vol. 27, doc. 96, dodis.ch/48698.
7
A. Cavaglieri. Pour l'ouverture de la réunion de Belgrade de la CSCE, cf. DDS, vol. 27, doc. 89, dodis.ch/49323. Cf. aussi DDS, vol. 27, doc. 114, dodis.ch/49423, point 2.2.2.
8
Cf. la notice de A. Maillard du 10 octobre 1977, dodis.ch/52065.
9
Sur la visite de F. Foschi, cf. la notice de A. Hegner à P. Graber du 18 octobre 1977, dodis.ch/52066.
10
Cf. la lettre de E.-R. Lang à la Direction politique du Département politique du 23 juin 1977, dodis.ch/50093.
11
Accord entre la Suisse et l'Italie relatif à l'imposition des travailleurs frontaliers et à la compensation financière en faveur des communes italiennes limitrophes du 3 octobre 1974, RO, 1979, pp. 457–459. Cf. aussi DDS, vol. 26, doc. 70, dodis.ch/38622.
12
Cf. note 5.
13
Sur le projet de la nouvelle loi, cf. DDS, vol. 27, doc. 118, dodis.ch/49424.