dodis.ch/5640

J’ai l’honneur de me référer à la lettre du 30 mars 19481 de M. le Président de la Commission de Surveillance pour l’exécution de l’Accord de Washington2, concernant la Société Internationale pour Participations Industrielles et Commerciales, SA, à Bâle (Interhandel), ainsi qu’à votre récent télégramme3.

L’un de mes collaborateurs4 s’est rendu hier au Département d’Etat où il a remis la demande de restitution des avoirs saisis à Interhandel, accompagnée d’une note rédigée conformément au texte qui était joint à la communication du 30 mars5. M. Metzger, de la Section juridique du Département d’Etat, après avoir pris connaissance de la note, déclara d’emblée à mon collaborateur que l’affaire était de la compétence exclusive du Département de Justice et que la décision de la Commission de recours ne pouvait en aucun cas influencer celle qui serait prise aux Etats-Unis au sujet de la demande de restitution de la General Aniline and Film Corporation (GAF). Mon collaborateur fit alors remarquer que cette attitude lui semblait non seulement illogique, mais même peu loyale puisque le fait que Interhandel ait été reconnue comme étant une société économiquement suisse devait avoir pour conséquence la libération de ses avoirs aux Etats-Unis. Il ajouta que la Suisse ne pourrait comprendre que le Département d’Etat adopte dans cette affaire une attitude et que le Département de Justice en prenne une autre. Sur ces entrefaites, M. Surrey, qui fit également partie de la Section juridique du Département d’Etat et qui fut mêlé aux négociations du printemps 1946, se joignit à la discussion et déclara que le Gouvernement américain n’avait pas expressément consenti au déblocage des avoirs de Interhandel en Suisse. Mon collaborateur ayant remarqué alors que le fait de ne pas recourir contre la décision de la commission de recours comportait l’acceptation de cette décision, MM. Surrey et Metzger s’élevèrent avec force contre cette conclusion et dirent que si le Gouvernement américain n’avait pas fait appel, c’était d’une part pour des raisons d’opportunité et, d’autre part, parce que la valeur des avoirs de Interhandelen Suisse était négligeable. De l’avis du Département d’Etat et selon la législation américaine, la question de savoir si la GAF sera oui ou non restituée à Interhandel doit de toute façon être tranchée aux Etats-Unis selon la procédure américaine. Les deux représentants du Département d’Etat saisirent encore cette occasion pour rappeler la position américaine dans la question des conflits de séquestres et pour faire allusion à l’aide-mémoire6 qui m’a récemment été remis au sujet des investigations américaines en Suisse et que je vous ai transmis par ma lettre du 23 avril7 (réf. 450-3-48) Sch/lr). A la page 2 de cet aide-mémoire, il est du reste fait clairement allusion au cas de Interhandel.

En résumé, il ressort de la conversation que je viens de mentionner et des autres indices que j’ai pu recueillir, que le Département de Justice persiste, pour le moment tout au moins, à considérer la GAF comme un bien allemand et que la demande de restitution présentée par Interhandel sera examinée d’un œil extrêmement critique pour ne pas dire plus.

En quittant M. Metzger, mon collaborateur insista encore sur le fait qu’étant donné les investigations de l’Officesuisse de compensation et la décision de la Commission de recours, le Gouvernement suisse considérait maintenant Interhandel comme une société suisse juridiquement et économiquement. Si, contrairement à notre attente, la GAF continuait à être séquestrée, la Suisse estimerait que les autorités américaines retiennent indûment un avoir suisse. A ceci, M. Metzger se borne à répondre finalement que le cas serait examiné objectivement8.

1
Cette lettre à été rédigée par G. de Rham et signée par A. Daeniker, cf. E 2200.36(-)1976/45/19.
2
W. Stucki.
3
Cf. le télégramme No 141 du DPF du 1er Mai 1948, E 2200.36(-)1976/45/19.Sur Interhandel (auparavant I. G. Chemie), cf. DDS, vol. 14, doc. 235, dodis.ch/47421 et annexe.
4
Il s’agit probablement d’E. Schneeberger, Chef de la Section du Contentieux et personnel de la légation, cf. le rapport de gestion de 1948, E 2400Washington/13.
5
Cf. ibid.
6
Cf. l’aide-mémoire du Département d’Etat du 21 avril 1948, cf. E 2801(-)1968/84/52.
7
Cf. ibid.
8
Sur l’affaire Interhandel, cf. la notice de M. Petitpierre du 11 juillet 1949, E 2800(-)1990/ 106/20 (dodis.ch/4353). Cf. aussi E 2801(-)1968/84/101.