Comme viennent de l’exprimer mes collègues du Conseil fédéral,2 j’aimerais vous dire à quel point je suis heureuse de l’occasion qui m’est donnée de ce dialogue avec les éminents représentants de notre diplomatie, et j’espère que la discussion qui suivra, nous permettra un véritable échange sur des questions fondamentales de notre politique étrangère.
L’internationalisation des questions de protection de l’environnement nécessite une collaboration très étroite entre le Département des Affaires étrangères et le Département de l’Intérieur, et je tiens à vous dire combien nous apprécions, dans le secteur de l’environnement, mais aussi dans celui de la recherche scientifique, de la culture, et de la santé, le soutien qui nous est donné par ce qu’on appelle «la centrale» et par nos représentations à l’étranger.3
J’ai déjà eu l’occasion au cours de mes premiers mois d’activité d’être en contact personnellement avec plusieurs d’entre vous, soit ici à Berne, soit par exemple à New York,4 et j’ai pu apprécier la qualité et l’efficacité de la collaboration mise en place avec les offices de mon département.
Certains d’entre vous se sont entretenus ce matin dans un groupe de travail sur les résultats de la Conférence des Nations-Unies sur l’environnement et le développement.5
Cette Conférence a consacré une nouvelle ère de coopération entre l’économie, la protection de l’environnement et le développement. Les nombreux États participants ont reconnu que cette synergie est la seule chance de construire pour l’ensemble de la Planète une prospérité durable.6
La Suisse comme vous le savez, a pris une part active à la Conférence de Rio, grâce à l’engagement de mon prédecesseur au Département de l’intérieur,7 et j’ai confirmé ses engagements lors de la première réunion de la Commission pour le Développement durable qui s’est réunie à New-York en juin dernier.8
Ces engagements sont inscrits dans les 40 chapitres de l’agenda 21, qui définissent l’application du développement durable dans tous les domaines d’activités, et plus particulièrement dans les deux conventions signées à Rio, sur les changements climatiques et sur la biodiversité.9
Le Conseil fédéral a décidé la création d’un groupe interdépartemental pour analyser l’agenda 21 et veiller à son application dans les activités nationales et internationales de la Suisse.10 Vous en avez certainement parlé ce matin dans vos discussions.
Huit groupes de travail ont déjà été institués pour traiter de manière plus approfondie, en collaboration avec les milieux extérieurs à l’administration, des questions relatives aux forêts, à la diversité biologique, aux changements climatiques, aux transferts de technologies, aux relations entre commerce et environnement, à l’internalisation des coûts environnementaux et à la cohérence de la législation.11
Les engagements de la Suisse sur le plan international dans le domaine de l’environnement ont des conséquences directes sur la politique intérieure et extérieure de notre pays.
Dans le domaine des changements climatiques par exemple, le Conseil fédéral publiera prochainement un rapport sur la situation des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays, en comparaison avec la situation mondiale.12 Ce rapport proposera les premiers éléments d’une stratégie pour lutter contre les changements climatiques dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’industrie, de l’agriculture, et des forêts.
Des programmes déjà mis en œuvre par le Conseil fédéral, tels que la stratégie de lutte contre la pollution de l’air de 1986,13 ou le programme Énergie 2000,14 de 1990, constituent des piliers de la lutte contre les changements climatiques. Ils montrent que par sa politique environnementale «progressiste», la Suisse a vu juste, et qu’elle est maintenant rejointe par les pays du monde entier.
Parmi les mesures à adopter pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, et en particulier le gaz carbonique (CO₂), le Conseil fédéral envisage de lancer une consultation pour l’introduction d’une taxe d’incitation sur le CO₂, ou une taxe mixte sur le CO₂ et l’énergie, telle que l’envisage la Communauté européenne.15
Le Conseil fédéral attend les résultats de la votation de novembre prochain sur l’introduction de la TVA avant de prendre position sur la forme définitive de ce projet.16
Au niveau parlementaire, le Conseil des États vient d’adopter la ratification de la Convention sur les changements climatiques,17 et la Commission du Conseil national l’a adoptée lors de sa dernière séance.18 La Suisse pourra ainsi ratifier la Convention dès la fin de l’année.19
La Convention sur la biodiversité a posé davantage de problèmes à la Suisse, car elle concerne très directement la branche de l’industrie chimique suisse.20 En effet cette convention vise pour la première fois à conserver le capital génétique de la planète dans son ensemble, et en même temps à assurer un partage équitable des bénéfices économiques tirés de l’exploitation des ressources génétiques. Les pays du Sud possèdent l’essentiel du capital génétique, notamment dans les très riches forêts tropicales, alors que les pays du nord possèdent les technologies pour exploiter ces ressources.21
Le Conseil fédéral a adopté avant l’été un document de travail sur la question de la propriété intellectuelle dans le domaine du vivant.22 Cette prise de position mesurée, qui protège les droits légitimes de l’industrie, mais respecte aussi les droits des peuples du Tiers-Monde, a permis de dénouer la situation et d’envisager la ratification de la Convention par la Suisse, qui sera soumise prochainement aux Chambres.23
La Conférence «Un environnement pour l’Europe» qui s’est tenue à Lucerne en mai dernier se situait parfaitement dans le sillage de la Conférence de Rio. Plus que jamais il est apparu que la protection de l’environnement est un facteur clé de la restauration des économies d’Europe centrale et orientale et de la construction de la paix et de la sécurité à long terme sur tout le Continent européen.24
L’interdépartementalité de ces questions était illustrée par la présence à mes côtés à Lucerne de Messieurs les Secrétaires d’État Kellenberger et Blankart, et du Directeur de l’Office de l’Environnement; c’est là un bon exemple du nouvel esprit qui anime notre politique de l’environnement.25
Sur le plan européen des problèmes spécifiques nous lient à nos voisins, et j’étais encore le week-end dernier en Autriche pour rencontrer mes collègues allemand, autrichien et liechtensteinois à ce sujet.26
La prise de conscience générale en faveur de la protection de l’environnement, y compris dans les milieux économiques, permet de développer une nouvelle politique, davantage basée sur l’information, la coopération et les instruments économiques.
C’est l’esprit qui anime la révision en cours de la loi fédérale sur la protection de l’environnement.27
Cette dernière prévoit en particulier une collaboration plus étroite entre la Confédération, les cantons et les branches économiques pour tenter de maîtriser les problèmes des déchets. Le projet de loi prévoit également de soutenir le développement de technologies favorables à l’environnement, en créant un pont entre la recherche et la commercialisation. Enfin, elle introduit les premières taxes d’incitation, de caractère non fiscal, pour limiter les émissions de soufre et de composés organiques volatils.
Ce bref exposé pour vous montrer les incidences très concrètes des questions liées à la protection de l’environnement tant sur la politique internationale de la Suisse, que sur la législation nationale.
Il est particulièrement important que la politique dynamique de la Suisse dans ce domaine soit harmonisée le plus possible sur le plan européen et international, afin d’éviter des distorsions commerciales défavorables à notre économie, tout en garantissant la préservation indispensable de l’environnement et de la diversité biologique dans le monde entier.
Je me félicite du fait que nous disposions des instruments nécessaires sur le plan interdépartemental pour gérer en commun des dossiers pour lesquels les offices des départements de mes collègues Messieurs Cotti et Ogi notamment et ceux de mon département, assument des compétences techniques différentes, mais où il nous appartient d’assurer ensemble la cohérence de la politique générale définie par le Conseil fédéral.
Je voudrais pour terminer, encore vous remercier pour la contribution concrète et efficace que vous apportez à ce processus; nous aurons encore de nombreuses occasions – la prochaine fois probablement en France en octobre avec mes collègues italien et français,28 au Danemark en décembre prochain (protection de la mer du Nord)29 – de collaborer pour ces activités si essentielles pour notre avenir.