dodis.ch/56127Entretiens du Secrétaire d’État du DFEP, Blankart, à New York1

Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies

J’ai saisi l’occasion de mon séjour à New York d’une part pour prononcer un discours2 devant la Swiss Society of New York, l’American Swiss Association et la Swiss-American Chamber of Commerce et, d’autre part, pour entretenir, avec l’ambassadeur D. Chenaux-Repond, quelques contacts bilatéraux qui font l’objet de ce télégramme. Le rapport sur la conférence vous parviendra plus tard.3

1. Entretien avec le Secrétaire général de l’ONU, M. Javier Pérez de Cuéllar

Après avoir exprimé mon impression que la session extraordinaire de l’Assemblée générale sur la coopération économique internationale s’est empreinte de l’esprit de réalité et quelque peu libéral, j’ai brièvement abordé le problème de la revitalisation de la Commission économique pour l’Europe (CEE/ONU) en vue du dynamisme qui marque la mise en place de nouvelles structures économiques en Europe. P[érez de Cuéllar] s’y est rallié en relatant son récent entretien avec le Président de la Commission de la CE Delors qui aurait bien accueilli l’idée d’une meilleure utilisation de la Commission économique pour l’Europe en tant que «dénominateur commun».

Le Secrétaire général a encore une fois exprimé son appréciation pour l’engagement accru de la Suisse pour la cause des Nations Unies, en mettant en relief notre participation au GANUPT4 et la mise à disposition de l’Ambassadeur Manz.5 J’ai fait valoir la disponibilité de la Suisse au cas où une opération de maintenance de la paix se dégagerait au Cambodge, une éventualité que le Secrétaire général voit avec beaucoup de réserves, si ce n’était que pour des raisons de la circonscription au mandat, de la garantie de la sécurité et du financement des coûts gigantesques d’une telle opération.

J’ai été impressionné de la courtoisie et la concision de Pérez de Cuéllar.

2. Entretien avec M. Antoine Blanca (B), Directeur général au développement et à la coopération économique internationale

Cet entretien m’a permis de rappeler au deuxième fonctionnaire du Secrétariat général qu’actuellement, l’engagement de la Suisse envers l’ONU n’a jamais été aussi grand. J’ai souligné l’importance et la valeur symbolique pour la Suisse d’avoir pu, par mon entremise, s’adresser à l’Assemblée générale. L’un des messages politiques de la Suisse à la communauté internationale étant que notre pays ne recourra pas à la diversion de son aide envers les pays en développement au profit de l’Europe centrale et orientale.6

B[lanca] a reconnu que la Suisse a toujours été présente dans les grands moments de l’ONU. Quant à la session extraordinaire, elle sera parachevée par l’adoption d’une déclaration finale sur la coopération économique internationale: résultat de compromis inévitables pour permettre un consensus, elle ne contiendra pas le nécessaire message politique clair à l’intention des pays riches, à qui B[lanca] reproche leur absence de vision et leur cupidité. Le sous-développement croissant émanera, à terme, à des crises politiques dans de nombreux pays africains et asiatiques, où l’on voit déjà une résurgence des problèmes de nationalité, d’ethnie et de fondamentalisme.

3. Entretien avec M. Zdenko Pirek (P), Vice-ministre des affaires étrangères de la CSSR

Cet entretien fut empreint d’une grande civilité, prouvant à quel point la Tchécoslovaquie a retrouvé, en peu de temps, la profondeur historique de sa culture. Après avoir félicité le Vice-ministre du merveilleux discours que le président Havel avait prononcé lors de la réception du Pape (voir NZZ du 23.4.90) et évoqué les relations existant à l’époque entre la Bohême et la Moravie d’une part et la Suisse et surtout Genève d’autre part, j’ai expliqué à P[irek] la teneur de vos vues au sujet d’un élargissement de l’AELE en direction de l’Europe centrale.7 P[irek] serait intéressé à signer une déclaration commune avec les pays de l’AELE à Göteborg déjà.8 Je lui ai suggéré de prendre contact à ce sujet avec la présidence suédoise et/ou avec le Secrétaire général de l’AELE.9 De plus P[irek], dans le contexte de la politique industrielle de son pays, serait intéressé à la conclusion d’un accord de promotion et de protection des investissements. Dans le contexte de l’action des 24, Prague nous demande la formation de banquiers.10

Pour finir P[irek] me dit qu’il est conscient de l’ombre qu’a mis sur nos relations le retrait de notre résidence à Prague.11 La même résiliation avait, à l’époque, été adressée à l’Autriche et à la Suède, lesquelles n’avaient simplement pas réagi, raison pour laquelle elles occupent toujours leurs résidences…

4. Entretien avec le Secrétaire d’État hongrois Ferenc Somogyi

Cet entretien se concentrait sur les futures relations de la Hongrie avec l’AELE.12 Budapest ne se fait point d’illusions quant à son éventuelle demande d’adhésion à la CE et cherche de ce fait un arrangement avec l’AELE. Les trois conditions que nous avons énumérées aux Hongrois depuis 1980, à savoir liberté du commerce et de l’industrie, convertibilité et réciprocité, sont admises. La deuxième partie de l’entretien concerne les soucis hongrois au sujet de la Transsylvanie.

5. Entretien avec le Vice-ministre polonais Jersky Makarczyc (M)

Cet entretien donne une confirmation de l’approche polonaise en matiere d’intégration. M[akarczyc] exprima ses remerciements pour l’action d’aide du Conseil fédéral.13 M[akarczyc] a également cherché notre appui pour obtenir que l’aide accordée par le PNUD à la Pologne ne soit pas réduite. Sachant que le DFAE avait proposé de concentrer les moyens du PNUD davantage sur les pays les moins avancés,14 je ne pouvais pas le soutenir à cet égard.

6. Entretien avec M. Mbonimpa, Ministre des relations extérieures et de la coopération du Burundi

Le Ministre a tenu à me voir afin de m’informer de l’amélioration de la situation politique dans son pays qui a été secoué, en 1988, par des troubles ethniques meurtriers. Il a notamment formulé l’espoir que l’amorce du processus de réconciliation nationale et la confirmation du programme d’ajustement structurel conduiraient le Gouvernement suisse à reconsidérer sa décision de réduire l’assistance fournie au Burundi. J’ai pris note de ces informations tout en soulignant qu’eu égard à la sensibilité de l’opinion publique en Suisse une augmentation de notre engagement ne serait guère possible sans une amélioration nette de la situation des Droits de l’homme.15

En conclusion j’aimerais souligner un truisme, à savoir la grande utilité d’une présence à une Assemblée générale qui permet d’avoir, de la façon la plus rationnelle, les contacts nécessaires. Davos ne saurait remplacer New York.16 Même si nous avons, grâce à une politique très active du Conseil fédéral depuis le vote négatif sur l’adhésion,17 considérablement intensifié nos relations avec l’ONU, le fait de notre non-appartenance continue à être un non-sens remarquable faisant preuve de l’extraordinaire propension à l’autodiscrimination dont sont capables les helvètes. La même chose vaut d’ailleurs pour nos relations avec le Saint Siège.18 Pour finir je tiens à remercier chaleureusement les Ambassadeurs Chenaux-Repond et Erismann ainsi que leurs équipes de la parfaite organisation de cette visite.

1
CH-BAR#E2010-01A#1996/396#534* (B.58.40.1). Ce document est rédigé par le Directeur de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures (OFAEE), le Secrétaire d’État Franz Blankart. Il est adressé au Chef du DFEP, le Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz, et transmis par télex. En outre, il est envoyé par la même voie à de nombreux services du DFAE, divers hauts fonctionnaires de l’OFAEE et à plusieurs ambassades suisses à l’étranger et, en partie par courrier, à différentes missions et délégations suisses auprès des organisations internationales. Pour la liste exhaustive des destinataires, cf. le facsimilé dodis.ch/56127. En l’occurrence, la version éditée est reçue par Georges Andrey du Service de la documentation politique du DFAE.
2
Cf. dodis.ch/56534.
3
Cf. dodis.ch/57010.
4
Cf. DDS 1990, doc. 31, dodis.ch/56036 et la compilation dodis.ch/C1719.
5
Le diplomate suisse Johannes Manz est nommé envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, cf. la compilation dodis.ch/C1841.
6
Pour le lien entre l’aide au développement et l’aide aux pays d’Europe de l’Est, cf. dodis.ch/55696 et dodis.ch/55691. Cf. aussi DDS 1990, doc. 12, dodis.ch/56158, notamment les paroles des Conseillers aux États Bernhard Seiler et Thomas Onken.
7
Cf. dodis.ch/55532.
8
Cette déclaration a été signée à Göteborg le 13 juin 1990, cf. dodis.ch/56094.
9
Georg Reisch.
10
Pour le soutien à la Tchécoslovaquie dans le cadre de la coopération avec des pays de l’Europe de l’Est, cf. DDS 1990, doc. 12, dodis.ch/56158. Pour les relations générales avec la ČSFR, cf. DDS 1990, doc. 54, dodis.ch/55850.
11
Jusqu’en novembre 1981, l’Ambassade de Suisse à Prague est située dans le Palais Schwarzenberg sur le Hradschin. Le Gouvernement tchécoslovaque annonce avoir besoin du bâtiment pour sa propre utilisation et la Suisse se voit allouer des lieux de remplacement pour la chancellerie et la résidence de l’Ambassadeur. Les demandes suisses, en 1990, de récupérer l’ancienne résidence sont refusées au motif que le Palais Schwarzenberg est prévu pour le siège d’une organisation internationale qui pourrait éventuellement s’installer à Prague dans le futur, cf. dodis.ch/57085 et le dossier CH-BAR#E2024B#2001/146#1455* (a.632.11). Cf. aussi DDS, vol. 27, doc. 100, dodis.ch/49249, note 6 et DDS 1990, doc. 54, dodis.ch/55850, note 28.
12
Cf. le télex hebdomadaire 40/90, dodis.ch/55167, point 4.
13
Cf. DDS 1990, doc. 12, dodis.ch/56158 et dodis.ch/55717.
14
Cf. le PVCF No 1551 du 13 septembre 1989, dodis.ch/56407.
15
Cf. la compilation dodis.ch/C1853.
16
Sur les contacts bilatéraux au World Economic Forum à Davos en 1990, cf. DDS 1990, doc. 4, dodis.ch/56233.
17
Cf. la compilation thématique Votation sur l’adhésion à l’ONU (1986), dodis.ch/T1772.
18
Cf. le PVCF No 1643 du 29 aout 1990, dodis.ch/56234 et dodis.ch/56615.