dodis.ch/8956
Note du Ministre de Suisse à Paris, P. A. von Salis, au Ministère français des Affaires étrangères1

La Légation de Suisse a l’honneur de rappeler à l’attention du Ministère des Affaires étrangères les nombreuses démarches qu’elle a entreprises depuis plusieurs années pour protester contre l’enrôlement de ressortissants suisses dans la Légion étrangère2.

L’engagement de ses ressortissants dans ce corps de troupe constitue pour la Suisse un affaiblissement de ses propres forces de défense. L’interdiction de servir dans une armée étrangère, sans autorisation préalable du Conseil fédéral, concerne tous les Suisses et ne se limite pas aux seules personnes astreintes au service militaire en Suisse. Le code pénal militaire suisse prévoit par conséquent la punition des coupables. Les Autorités fédérales déplorent que, par ces engagements dans la Légion étrangère, des ressortissants suisses soient mis en contradiction avec les lois de leur propre pays et encourent des poursuites pénales.

Dans cet ordre d’idées, l’engagement de Suisses mineurs dans la Légion étrangère constitue un problème particulièrement grave. Plutôt que d’intervenir dans la question de principe de l’engagement de ressortissants suisses dans la Légion, la Légation s’est employée – malheureusement en vain jusqu’à présent – à obtenir qu’au moins les Suisses mineurs ne fassent pas l’objet d’un engagement.

Sans vouloir répéter les arguments déjà exposés dans d’innombrables notes et aide-mémoires, la Légation rappelle qu’aux termes de la législation suisse, un mineur, jusqu’à l’âge de vingt ans, ne peut s’obliger sans l’assentiment de son représentant légal. Le même âge est déterminant en droit public. Or, les Autorités militaires françaises, tout en s’inspirant de ce principe pour leurs propres nationaux, n’en tiennent aucun compte pour les étrangers.

Les Autorités fédérales regrettent vivement que les excellentes relations qui existent entre les deux pays n’aient pas permis jusqu’ici de trouver une solution à ce conflit, qui est tout autant politique que de droit. Elles espèrent vivement qu’il sera possible au Ministère des Affaires étrangères d’amener les Autorités compétentes françaises à une modification de leur réglementation, qui interdirait l’acceptation par la Légion d’engagements de ressortissants suisses mineurs.

La Légation a été chargée d’attirer tout particulièrement l’attention du Ministère sur le prix que le Gouvernement fédéral attache à un règlement satisfaisant et rapide de ce problème, qui suscite beaucoup de mécontentement dans l’opinion publique suisse. Elle se plaît à espérer qu’une réponse favorable pourra lui être donnée très prochainement; en attendant, le Conseil fédéral apprécierait vivement si le Gouvernement français pouvait consentir à donner à l’administration française compétente des instructions tendant à surseoir à tout engagement de Suisses mineurs dans la Légion étrangère jusqu’à ce qu’une décision de principe intervienne au sujet de la requête formulée dans la présente note.

1
Note: E 2200.41(-)-/39/37.
2
Sur cette question, cf. DDS, vol. 18, doc. 81, dodis.ch/8634, la réponse de M. Petitpierre aux interpellations A. Boner et O. Schütz du 23 et 24 mars 1953, E 2800(-)1967/59/41 (dodis.ch/10697) ainsi que le rapport du DMF du 26 mars 1955, E 2001(E)1970/217/190 (dodis.ch/8976).