dodis.ch/9065
Le Ministre de Suisse à Moscou, E. de Haller, au Ministère soviétique des Affaires étrangères1

La Légation de Suisse à Moscou a été chargée par le Conseil fédéral de remercier le Gouvernement de l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes de sa note du 13 novembre 19542 et de lui communiquer sa réponse comme suit3:

Le Conseil fédéral, Gouvernement d’un pays profondément et traditionnellement attaché à la paix, ne peut que saluer toute initiative tendant à créer dans le monde, et en particulier en Europe, un régime de paix et de sécurité durable. La Confédération suisse s’est toujours efforcée et s’efforce encore aujourd’hui d’apporter sa contribution à la réalisation de ce but en restant attachée à un statut de neutralité permanente qui a été constamment respecté, et en pratiquant une politique strictement inspirée de cette neutralité. La Confédération ne pourrait adhérer à aucun système de sécurité collective incompatible avec ce statut et qui impliquerait sa participation à des mesures coercitives à l’égard d’un autre pays.

La note du Gouvernement soviétique soulève des questions qui constituent précisément une des causes, sinon la cause principale, de la tension et de l’insécurité actuelles. Il existe de profondes divergences entre les Etats intéressés sur la manière de les résoudre. Certaines de ces questions sont nées de la dernière guerre et de l’absence de traités de paix les réglant. Une autre a pour objet les méthodes et les moyens par lesquels la sécurité pourrait être assurée en Europe. Ici encore des vues opposées se manifestent. La Suisse souhaite ardemment que les difficultés auxquelles s’est heurté jusqu’à présent le règlement de ces problèmes, qui l’intéressent comme tous les autres pays européens, pourront être surmontées. Mais, demeurée à l’écart de la dernière guerre et des systèmes d’alliances déjà créés ou dont la formation est en cours, elle est d’avis qu’il appartient d’abord aux Gouvernements des pays qui ont la compétence de résoudre ces problèmes de les examiner et de les discuter entre eux de la manière qu’ils jugeront opportune. Le Conseil fédéral ne pense d’ailleurs pas que la participation de la Confédération à ces discussions puisse, au stade actuel, contribuer à la solution de ces problèmes. Il entend cependant ne pas se soustraire aux responsabilités qui incombent à tout Etat épris de paix. S’il estime ne pas pouvoir accepter l’invitation qui lui a été faite par la note du 13 novembre, il est prêt à examiner – soit lorsque les problèmes à la discussion desquels la Suisse ne peut prendre part auront trouvé une solution, soit si les pays directement intéressés à ces problèmes se mettent d’accord sur la convocation d’une conférence ayant pour objet la création d’un système de sécurité européenne – la participation de la Suisse à une conférence à laquelle seraient représentés l’ensemble des pays d’Europe, ainsi que la collaboration de la Suisse, dans les limites de sa neutralité permanente, à l’établissement d’un régime de paix et de sécurité internationales auquel adhéreraient tours les pays du continent.

1
Note (Copie): E 2200.157(-)1970/256/10. Note en marge de E. de Haller: Remise à M. Zorin 24. XI. 54 à 13 h.
2
Non reproduite (dodis.ch/9064).
3
Sur la discussion concernant la réponse suisse cf. DDS, vol. 19, doc. 134.